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Les spécialites de la procédure d'appel

Brève

La rédaction du dispositif des conclusions d'appel.

La Cour de Cassation donne la mesure des exigences attendues sur la rédaction du contenu du dispositif des écritures d’appel.

La deuxième Chambre Civile a jugé qu’il résulte des articles 542 et 954 du Code de Procédure Civile que lorsque l’appelant ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la Cour d’Appel ne peut que confirmer le jugement.

La Cour de cassation déduit de la combinaison de ces règles que la Cour d’appel ne peut, selon le cas, réformer ou anéantir la décision déférée que sil elle est saisie de conclusions d’appelant dont le dispositif précise s’il est sollicité l’infirmation ou la confirmation des chefs du jugement expressément critiqués ou l’annulation du jugement.

Cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle du décret 2017-891 du 6 mai 2017, applicable pour les appels déposés à compter du 1er septembre 2017, n’a jamais été affirmée par la Cour de Cassation dans un arrêt publié [1].
Elle entraîne des répercussions importantes tant sur la rédaction des conclusions d’appel que sur la question de savoir si cette omission peut être réparée par des conclusions ultérieures.

Depuis l’entrée en vigueur du décret 2017-891 du 6 mai 2017, applicable pour les appels déposés à compter du 1er septembre 2017, la forme des conclusions dans la nouvelle procédure d’appel a été modifiée.

Selon l’article 954 du Code de Procédure Civile, la Cour d’Appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Selon l’article 542 du Code de Procédure Civile, l’appel tend par la critique du jugement à sa réformation ou à son annulation.

Cette nouvelle règle a pour objectif d’obliger les parties à modéliser leurs écritures.

L’attention des avocats doit être vivement attirée sur l’importance de la rédaction du dispositif des écritures d’appel, d’autant plus que la Cour de Cassation démontre à nouveau qu’elle apprécie très largement la notion de prétention telle que visée à l’article 954 du Code de Procédure Civile.

1°- Une exigence dans la rédaction du dispositif des conclusions de solliciter l’annulation ou l’infirmation du jugement.

L’article 542 du CPC dispose que l’appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la Cour d’Appel.

l’article 954 du CPC dispose que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée. La partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs...

Attention !

Des conclusions d’appelant prises dans le délai prévu par l’article 908 qui n comportent pas un dispositif qui ne conclut pas à l’infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré ne sont pas conformes à l’article 954 du Code de Procédure Civile.

Il sera rappelé que :

« les conclusions d’appelant exigées par l’article 908 du Code de procédure civile sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel ; l’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l’article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l’article 954 ».

2°- Une nécessaire confirmation du jugement à défaut d’en avoir sollicité la réformation ou l’annulation dans le dispositif des conclusions.
Depuis le décret no2017-891 du 6 mai 2017, il résulte des articles 542 et 954 du Code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la Cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Attention !

La partie qui souhaite que le jugement soit annulé ou infirmé doit en faire expressément la demande dans son dispositif.

S’il ne le fait pas, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement [2].

Le dispositif doit recevoir un traitement tout particulier.

Il n’est pas un résumé des tous les moyens qui ont été exposés, mais le simple énoncé des prétentions.

Les "donner acte, constater" et autres formules de ce type doivent être prohibées.
Enfin et surabondamment, on rappellera à l’avocat quelques moyens simples d’alléger les écritures comme l’usage parfois parcimonieux des adverbes, la construction de phrases simples et courtes (un sujet, un verbe, un complément), le caractère superflu de certaines mise en cause ironiques de la partie adverse généralement suivie d’un ou plusieurs points d’exclamation, la totale inutilité de demander la condamnation à une amende civile dont l’initiative n’appartient qu’à la juridiction, l’importance à vérifier si l’exécution provisoire est possible ou parfois si elle n’est pas tout simplement de droit, de demander la restitution de sommes auxquelles une partie a pu être condamnée en première instance alors que l’infirmation de la décision par la Cour d’appel aura cet effet automatique.

Là encore, il s’agit d’alléger des écritures inutilement alourdies par de telles considérations.

La question 1 :
La partie appelante se doit elle de préciser dans le dispositif de ses conclusions qu’elle demande l’annulation ou l’infirmation du jugement ?

Aucun doute n’existait jusqu’alors quant à la sanction applicable : « La Cour ne peut que confirmer ».

C’était sans compter sur une évolution jurisprudentielle.

En effet, la Cour de Cassation ouvre une option à la partie, mais également au Conseiller de la mise en état et à la Cour d’appel qui pourront même s’en emparer d’office.

Et cela est nouveau ou presque (Civ. 2ème 30 septembre 2021, n°20-15.674 NP).

Dans un arrêt du 4 novembre 2021, la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation offre désormais la faculté de relever d’office la caducité de l’appel.

Cette faculté est largement ouverte et l’appelant aura toutes les peines du monde à passer entre les mailles du filet tendu par la Cour de Cassation.

En effet, non seulement cette caducité pourra être relevée par l’intimée, mais le Conseiller pourra se saisir d’office de cette caducité.

Et sur déféré, La Cour d’appel pourra évidemment prononcer cette caducité.

Et nul doute qu’il se trouvera des Conseillers de la mise en état pour qui ce sera l’occasion d’évacuer un stock souvent important.

La réponse :
Dans un arrêt du 17 septembre 2020, la Cour de Cassation a répondu à cette question positivement [3].

Elle rappelle que :

« la partie appelante doit préciser dans le dispositif de ses conclusions qu’elle demande l’annulation ou l’infirmation du jugement. Il résulte des articles 542 et 954 du Code de Procédure Civile, que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement, ni l’annulation du jugement, la Cour d’Appel ne peut que confirmer le jugement ».

C’est à bon droit que la cour de Cassation a statué sur le moyen dont elle était saisie.
Mais tempérant la portée de cette nouvelle obligation procédurale pour les procédures en cours, la Cour de Cassation a décidé de n’appliquer cette nouvelle obligation que pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020.

La sanction quant à l’appelant principal est connue : la Cour d’Appel confirme le jugement. C’est l’appel non soutenu.

La question 2 :
La partie appelante incidente se doit elle aussi de préciser dans le dispositif de ses conclusions qu’elle demande l’annulation ou l’infirmation du jugement ?

La réponse :
Dans un arrêt du 1er juillet 2021, la Cour de Cassation a répondu à cette question positivement [4].

C’est à bon droit que la cour de Cassation a statué sur le moyen dont elle était saisie. Les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Après avoir repris l’attendu de principe de l’arrêt du 17 septembre 2020, elle rappelle que :

« l’appel incident n’est pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet, de sorte que les conclusions de l’appelant principal ou de l’appelant incident doivent déterminer l’objet du litige porté devant la Cour d’Appel et comporter en conséquence dans le dispositif une demande d’infirmation ou de réformation du jugement attaqué ».

Il en résulte en conséquence de cet arrêt que pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, toute partie qui poursuit l’annulation ou l’infirmation du jugement devra impérativement le préciser dans le dispositif de ses conclusions, sous peine d’être sanctionné.

S’il est relativement peu courant qu’un appelant néglige de demander l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions. Il est en revanche, plus courant qu’un intimé appelant incident fasse l’impasse d’une demande de réformation dans ses conclusions.

La sanction pour l’appelant incident n’est pas limpide.

Dés lors, la Cour de Cassation nous dit que l’appel incident n’est pas différent de l’appel principal, il faudrait considérer que la sanction serait identique, à savoir que la Cour d’Appel ne peut que confirmer du chef de l’appel incident.

Plutôt que de parler de confirmation du jugement, il serait probablement plus opportun de retenir que les conclusions ne contiennent aucun appel incident.

La Cour d’appel ne serait pas saisie de cet appel incident sur lequel elle ne statuera donc pas.

L’autre option serait d’aller sur le terrain de l’irrecevabilité.

L’irrecevabilité de l’appel incident serait encouru en application des articles 909 du Code de procédure Civile.

L’irrecevabilité des prétentions formées après le délai pour conclure serait encourue en application de l’article 910-4 du Code de Procédure Civile.

Il parait donc nécessaire que la Cour de Cassation précise la sanction quant à l’appelant incident.

La question 3 :
La Cour d’Appel a-t-elle la possibilité de relever d’office la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions si les parties et le Conseiller de la mise en état ne s’en étaient précédemment emparés ?

La réponse :
Dans un arrêt du 9 septembre 2021, la Cour de cassation a répondu à cette question négativement [5].

Elle indique que :

« Il résulte de la combinaison des articles 908 et 954 du Code de Procédure Civile que la caducité de la déclaration d’appel est encourue lorsque l’appelant n’a pas fait figurer ses prétentions dans le dispositif de ses conclusions dans le délai de trois mois de la remise de ses écritures ».

Afin que les choses soient claires, la Cour de cassation rappelle que cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 imposant que l’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement.

Dans un exercice de contorsionnisme juridique, la Cour de Cassation contourne à l’évidence ses propres arrêts des 17 septembre 2020, 20 mai 2021 et 1er juillet 2021 qui apparaissent comme un frein.

Où s’arrêtera le pouvoir du Conseiller de la mise en état ?

3°- Une interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel.

Il s’agit d’une interprétation nouvelle des articles 542 et 954 du Code de Procédure Civile issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 laquelle n’a jamais été affirmée par la Cour de Cassation dans un arrêt publié.

La Cour de Cassation décide en conséquence de ne pas appliquer la règle de procédure au motif que la déclaration d’appel est antérieure au présent arrêt :
 Cependant, l’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret no2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. […] ;
 Toutefois, la déclaration d’appel étant antérieure au présent arrêt, il n’y a pas lieu d’appliquer la règle énoncée au paragraphe 4 au présent litige.

On peut se réjouir du délai laissé aux avocats et aux parties pour se mettre en conformité avec la jurisprudence nouvelle posée par la Cour de cassation.

Attention !

Si la Cour de Cassation n’entend pas priver les appelants du droit à un procès équitable en appliquant cette nouvelle solution aux instances introduites par déclaration antérieure à la date du présent arrêt.

L’attention des avocats est donc vivement attirée sur l’importance de la rédaction du dispositif de leurs écritures d’appel dans les instances introduites par déclaration postérieure au 17 septembre 2020.

4°- Une omission qui ne peut être réparée par des conclusions ultérieures après le délai imparti pour conclure au soutien de l’appel.

La question 1 :
La partie en appel a-t-elle l’obligation d’indiquer dans le dispositif de ses conclusions qu’elle sollicite le rejet des prétentions de l’adversaire ?

La réponse :
Dans un arrêt du 9 septembre 2021, la Cour de cassation a répondu à cette question positivement [6].

Elle indique que :

« Il résulte de la combinaison des articles 563 et 564 et 954 du Code de Procédure Civile que la partie qui en appel sollicite le rejet de la prétention de son adversaire élève lui-même une prétention pour en déduire qu’elle avait l’obligation de l’indiquer dans le dispositif de ses conclusions ».

La Cour d’Appel n’est donc saisie d’aucune prétention lorsque l’appelant ne sollicite pas dans le dispositif de ses conclusions le rejet des prétentions de son adversaire auxquelles avait fait droit le premier juge.

La question 2 :
Celui qui se borne en première instance à soulever la péremption de l’instance peut-il solliciter le rejet au fond des prétentions de son adversaire pour la première fois en appel et invoquer à cette fin tout moyen utile ?

La réponse :
Dans un arrêt du 9 septembre 2021, la Cour de cassation a répondu à cette question positivement [7].

Elle indique que :

« la partie n’ayant pas sollicité en première instance le rejet des prétentions de son adversaire ne peut aucunement avancer de nouveaux moyens au soutien de cette prétention en appel ».

Afin que les choses soient claires, la Cour de cassation rappelle la combinaison des articles 563 et 564 du Code de Procédure Civile.

« Dès lors que c’est uniquement pour justifier en appel les prétentions soumises au premier juge une partie peut invoquer de nouveaux moyens, mais elle ne peut soulever aucun moyen destiné au rejet de la demande de son adversaire si elle n’a pas déjà sollicité ce rejet en première instance ».

L’article 910-4 du CPC dispose qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Il résulte de l’article 910-4 du Code de Procédure Civile qu’à peine d’irrecevabilité les parties doivent présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Dans la présente affaire, l’appelant avait ultérieurement modifié le dispositif de ses conclusions. Toutefois, dans la présente décision la Cour de cassation se réfère à ses premières écritures.

Attention !

Il est loisible à une partie de régulariser le dispositif de ses premières écritures tant qu’elle est dans le délai des articles 905-2 et 908 à 910 du Code de procédure Civile.

La Cour de Cassation ne tient pas compte de la régularisation ultérieure et ne retient que le dispositif des conclusions signifiées dans le délai imparti pour conclure au soutien de l’appel.

5°- Nos conseils.

Pour respecter les dispositions combinées des articles 542 et du nouvel article 954 du Code de Procédure Civile et ainsi éviter que la non-conformité des conclusions des parties n’engendre une nécessaire confirmation du jugement à défaut d’en avoir sollicité la réformation ou l’annulation dans le dispositif des conclusions, on conseille de privilégier une écriture soignée et synthétique de l’argumentation en respectant la présentation suivante :

1. En début des écritures d’appel, établir un sommaire détaillé paginé sur des feuilles aisément détachables du corps des écritures proprement dites ;
2. Le rappel très synthétique des faits et de la procédure antérieure ;
3. Une critique du jugement frappé d’appel qui doit être précise et motivée : critique de l’appréciation portée par le premier juge sur les faits ou leur preuve et de l’analyse juridique qu’il a retenue ;
Cette critique doit être opérée de manière concise, de façon à permettre au juge de cerner immédiatement l’objet de l’appel ou de l’appel incident ;
4. L’énoncé numéroté des prétentions et de leur fondement en fait et en droit, chaque prétention devant faire référence aux pièces sur lesquelles elle se fonde, en les numérotant dans les motifs des conclusions au fur et à mesure de leur utilisation ;
5. Ordonner les écritures en visant en marge des paragraphes concernés le numéro de la pièce s’y rapportant et récapituler les prétentions sous forme dedispositif ;
6. Le « Par ces motifs » des conclusions doit solliciter dans le dispositif des conclusions d’appel l’annulation ou l’infirmation de la décision, faute de quoi la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Notes.

Décret n°2017-891du 6 mai 2017.
Cass. 2e civ., 17 sept. 2020, no18-23.626.
Civ. 2ème 1er juillet 2021, F-B, n°20-10.694.
Civ. 2ème 9 septembre 2021, F-B, n°20-17.263.
Article 542 du CPC.
Article 954 du CPC.
Civ. 2ème 9 septembre 2021, F-B, n°20-17.435.
Cass. 2e 4 novembre 2021, F-B, n° 20-15.757.