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Brève

Les aspects procéduraux des modes amiables de règlement des litiges

Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au JO le 12 décembre 2019. Afin de faciliter l’appropriation de cette réforme, il est proposé ici de synthétiser les principales modifications apportées par le texte tendant au développement des modes amiables de résolution du litige dans ses aspects procéduraux afin d’aider les professionnels à préparer leur mise en œuvre.

Une lecture rapide du décret pourrait laisser penser que le « décret de simplification » a atteint son objectif.

Mais de simplification, nous allons vite nous rendre compte qu’il n’y en a pas vraiment.

En voulant tenir compte des spécificités de chaque contentieux, en voulant introduire l’amiable dans le contentieux, la complexité est partout.

Procédure.
1- L’article 3 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice étend l’exigence d’une tentative de conciliation, de médiation ou de convention de procédure participative préalable à la saisine de la juridiction.

Lorsque la demande n’excède pas un montant défini par décret en Conseil d’Etat ou lorsqu’elle a trait à un conflit de voisinage, les parties sont ainsi tenues de recourir à l’un de ces modes alternatifs de résolution des litiges avant de porter leur affaire devant le tribunal judiciaire.

Cette exigence est imposée à peine d’irrecevabilité de la demande.

L’article 750-1 du Code de procédure civile fixe à 5.000 euros le seuil en deçà duquel s’applique la tentative préalable de résolution amiable. Il définit également la notion de conflits de voisinage : il s’agit des matières qui relevaient de la compétence de l’ancien tribunal d’instance, énoncées aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire (actions en bornage, relatives à la distance et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies, au curage des fossés…) Direction des affaires civiles et du sceau – Décembre 2019

2- L’article 3 de la LPJ énonce les exceptions à l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du litige.

Il s’agit des cas suivants repris à l’article 750-1 du CPC :
- la demande d’homologation d’un accord ;
- l’obligation de procéder à un recours préalable auprès de l’auteur de la décision ;
- l’obligation pour le juge ou l’autorité administrative de procéder à une tentative de conciliation ;
- l’existence d’un « motif légitime ».

Le décret réformant la procédure civile définit la notion de « motif légitime ».

Le demandeur peut invoquer un tel motif :
- lorsqu’il est dans une situation d’urgence manifeste ;
- lorsque les circonstances de l’espèce rendent impossible une telle tentative (par exemple lorsque le défendeur habite à l’étranger).
Le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. Cette remise doit être faite dans les quatre mois de l’assignation, faute de quoi celle-ci sera caduque, à moins qu’une convention de procédure participative ne soit conclue avant l’expiration de ce délai.
Dans ce cas, le délai de quatre mois est suspendu jusqu’à l’extinction de la procédure conventionnelle.
La caducité est constatée d’office par ordonnance du président ou du juge saisi de l’affaire.
A défaut de remise, requête peut être présentée au président en vue de faire constater la caducité.
- lorsque la décision sollicitée doit être prise au terme d’une procédure non contradictoire (une ordonnance sur requête ou une injonction de payer par exemple) ;
- en cas d’indisponibilité de conciliateurs de justice rendant impossible l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.

La dispense tenant à l’indisponibilité devra être appréciée différemment selon le nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.

Sur ce dernier point, s’agissant de la preuve d’un fait juridique, elle pourra être rapportée par tout moyen. Direction des affaires civiles et du sceau - Janvier 2020

Attention ! Quel est le champ d’application de l’article 750-1 ?

L’article 3 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice étend l’obligation de tentative préalable de conciliation, médiation, procédure participative, aux affaires dont est saisi le tribunal judiciaire lorsque la demande n’excède pas 5000 euros ou concerne un conflit de voisinage.

L’article 750-1 du décret réformant la procédure civile définit les conflits de voisinage par renvoi aux actions limitativement énumérées aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire.

Il s’agit de contentieux dont la compétence relevait de l’ancien tribunal d’instance : les actions en bornage, relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies, les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du Code civil, les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins, les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L152-14 à L152-23 du Code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du Code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes et les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

Attention ! Qu’en est-il lorsque la demande est indéterminée pour partie et qu’elle tend au paiement d’une somme inférieure à 5.000 euros pour l’autre partie ? Lorsque la demande est portée devant le juge aux fins de constat de la résiliation d’un bail et expulsion avec demande de paiement de l’arriéré locatif (inférieur à 5.000 euros), est-elle soumise à l’obligation d’une tentative préalable de résolution amiable du litige ?

Pour apprécier le montant de la demande, il convient de faire application des règles prescrites aux articles 35 et suivants du Code de procédure civile. Ainsi, lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, il faut faire une appréciation de la valeur totale des prétentions.

La loi de programmation prévoit, par principe, l’absence d’obligation d’une tentative préalable de règlement amiable. L’exigence d’une telle tentative préalable n’est imposée, par exception, que si la demande est inférieure à 5.000 euros ou qu’elle est relative aux conflits de voisinage. Il convient donc de faire une appréciation restrictive de ces exceptions.

En l’occurrence, en présence d’une demande indéterminée (acquisition d’une clause résolutoire) et d’une demande déterminée connexe d’un montant inférieur à 5.000 euros, il faut retenir le caractère indéterminé de la demande. Ce n’est que lorsque les prétentions sont fondées sur des faits différents et non connexes que le montant de la demande est apprécié pour chaque prétention isolément.

Attention ! Comment le demandeur peut-il démontrer qu’il s’est acquitté de l’obligation de tentative préalable de conciliation ou qu’il existe un des faits justificatifs permettant de déroger à cette obligation (notamment dans l’hypothèse de l’indisponibilité de conciliateurs) ?

Il s’agit d’une question de fait dont la preuve peut être rapportée par tout moyen.
Ainsi, le requérant peut démontrer avoir tenté une conciliation par un conciliateur de justice en produisant l’attestation d’un point d’accès au droit ou encore une convocation proposant une date de rendez-vous tardive au regard de la nature de son affaire.

Attention ! Comment le juge est-il saisi à l’issue d’un échec de tentative de conciliation ?

L’article 826 du code de procédure civile prévoit qu’en cas d’échec total ou partiel de la tentative préalable de conciliation, le demandeur peut saisir la juridiction aux fins de jugement de tout ou partie de ses prétentions initiales selon les modalités prévues à l’article 818.

Le juge peut ainsi être saisi par une assignation, une requête conjointe ou une requête lorsque le montant n’excède pas 5.000 euros.
Direction des affaires civiles et du sceau - Février 2020

L’article 756 prévoit également que lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur.

Attention ! L’article 3 de la loi du 23 mars 2019 prévoit que l’obligation de tentative de résolution amiable ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L.314-26 du code de la consommation (litiges en matière de crédit à la consommation ou de crédit immobilier). Cette disposition n’ayant pas été reprise dans l’article 819-1 du CPC listant les cas de dispense, qu’en est-il ?

Cette exclusion figure à l’article 3 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui s’applique sans qu’il soit nécessaire que le décret en rappelle le contenu.
Direction des affaires civiles et du sceau – Février 2020

Sources
- Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au JO le 12 décembre 2019.