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Brève

Les pouvoirs du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire

Le décret n° 2019-1333 d’application de la loi pour la réforme de la justice modifie en partie la procédure ordinaire écrite devant le tribunal judiciaire. Les pouvoirs du juge de la mise en état sont extrêmement importants. Le respect de la conciliation, des délais, de la forme des communications et l’application des principes de loyauté et de contradictoire ressort de l’office du juge.

Il appartient au juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité des échanges des conclusions et de la communication des pièces. Autrement dit, le premier objectif qui doit être atteint est de garantir la bonne tenue du débat judiciaire, et en particulier du respect du principe du contradictoire.

Il déclare l’instruction close dés que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée. Autrement dit, le second objectif qui doit être atteint est de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.

Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou qu’il ordonne des mesures d’instructions jusqu’à ce que le débats soit épuisé.

En cas de négligence des parties, les sanctions sont extrêmement lourdes.

I - L’objet du décret.
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice organise la mise en pratique de plusieurs aspects de la réforme de la justice.

Le texte maintient très largement l’existant s’agissant des attributions du juge de la mise en état qui lui permettent de préparer le jugement.

Ce contrôle de la procédure passe par une série d’attributions que le décret préserve intégralement.

Les dispositions relatives à la mise en état sont plus particulièrement contenues dans les Articles 780 à 807 du Code de procédure civile.

II- L’entrée en vigueur du décret.
Le décret est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Il est applicable aux instances en cours à cette date.

III- Les pouvoirs du juge de la mise en état sont extrêmement importants.
1. Le décret lui reconnaît des attributions purement « administratives » dans son rôle de gestionnaire de l’instance.

Il procède à des jonctions et disjonctions d’instance, constate l’extinction de l’instance ou encore la conciliation des parties.

Il est aussi chargé de déclarer l’instruction close lorsqu’il lui apparaît qu’elle est en état d’être jugée. Sur ce point, il est à noter que le juge de la mise en état peut désormais déclarer l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet, lorsque les parties souhaitent bénéficier de la procédure sans audience.

2. Le décret le conforte dans son rôle de régulateur du déroulement de l’instance.

Il contrôle le déroulement « loyal » de la procédure entre les parties, spécialement s’agissant de la « ponctualité » de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.

Dans le cadre de cette mission de contrôle, le juge peut toujours fixer « au fur et à mesure les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire » [Art. 781 du Code Procédure Civile.]], eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats.

Il peut aussi inciter les parties à accomplir les diligences nécessaires dans les délais en adressant des injonctions.

3. Le juge de la mise en état conserve son pouvoir de sanction en cas de méconnaissance des délais impartis.

4. Le juge de la mise en état reste un instigateur en ce qu’il peut combler les lacunes des parties.

Sur tel ou tel aspect de leurs échanges, il peut s’assurer que le juge saisi au fond est bien informé de l’affaire. Aussi peut-il toujours inviter les avocats « à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu [et] à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige ». Il peut se faire communiquer l’original des pièces versées au débat ou demander une copie.

Il peut même d’office entendre les parties de façon contradictoire ou les inviter à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige.

5. Le décret lui reconnaît par ailleurs une nouvelle prérogative tenant à la possibilité qui lui est désormais offerte de désigner « un médiateur » dans les conditions de l’Article 131-1 du Code de procédure civile.

6. Le décret conserve en outre l’essentiel des dispositions relatives aux pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état.

Ces pouvoirs lui permettent traditionnellement de traiter les incidents qui peuvent émailler l’instruction d’une affaire.

ll maintient le caractère exclusif de sa compétence, du moment que la demande est présentée postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, lequel intervient à l’ouverture des débats devant le tribunal.

Traditionnellement, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance ; allouer une provision pour le procès ; accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; ordonner toutes autres mesures provisoires et ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.

7. Innovation majeure, le nouvel Article 789 du Code de procédure civile ajoute que le juge de la mise en état est compétent pour connaître « des fins de non-recevoir ».

Il est par ailleurs prévu que le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

La formation de jugement doit statuer quant à elle sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.

Précision importante, les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

L’instruction des affaires s’opère donc sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, le terme de « contrôle », renvoyant ici à l’idée que c’est d’abord aux parties d’accomplir les actes et formalités qui permettront à l’affaire d’être en état d’être jugée.

IV- Les sanctions sont extrêmement lourdes.
En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre-elles ou aux deux parties :
- La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie car prononcée à l’encontre de de la partie qui aura été négligente. Ainsi, l’Article 800 du Code de Procédure Civile prévoit que si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ;
- La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties. L’Article 801 du Code de Procédure Civile prévoit que si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge peut d’office après avis donné aux avocats prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours.

Des diligences générales sont à accomplir par les parties en toutes matières.

Des diligences spécifiques sont à accomplir par les parties par type de contentieux.

Pour respecter les nouvelles dispositions et ainsi éviter que le juge de la mise en état d’office, prononce de lourdes sanctions, on donnera ci-dessous un squelette des diligences procédurales à accomplir par type de contentieux.

Références :
- ORF n°0288 du 12 décembre 2019 ;
- Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile ;
- Voir du même auteur le guide pratique détaillé de cette réforme.